La minute coPro, c’est le nouveau format d’interview d’Amoa qui donne la parole aux acteurs de la rénovation énergétique en copropriété.
La genèse de ce format, c’est d’abord un constat pragmatique: pour rénover de manière globale les 500 000 immeubles annoncés par le gouvernement dans le cadre des objectifs de neutralité carbone, il faut travailler de manière collective.
Depuis plusieurs années déjà, des syndic, bureaux d’études, architectes, institutionnels, financiers, conseil syndicaux, professionnels du bâtiment se sont engagés dans cette voie. Le but de notre minute coPro, c’est de leur donner la parole pour qu’ils nous partagent leurs retours d’expérience et leur vision.
Aujourd’hui, nous donnons la parole à Alexis Peres, Kévin Ohanian et Pascal Delmotte d’Acorus, une entreprise de services en bâtiments, spécialiste de la rénovation énergétique en site occupé et qui compte aujourd’hui plus de 1600 collaborateurs.
Le thème que nous avons choisi d’aborder est celui de l’écorénovation qui permet d’aborder à la fois les sujets de la rénovation globale, de l’intervention en milieu occupés, des matériaux utilisés et de l’impact que peu avoir une rénovation énergétique.
L'Écorénovation : définition et explications
Bonjour à tous et merci de vous êtes rendus disponible. Pour commencer cette interview, expliquez nous d'abord en quoi consiste l'écorénovation ?
Kévin Ohanian: L’écorénovation consiste à rénover énergétiquement les bâtiments avec une approche globale et intégrée pour maximiser l’impact de cette rénovation.
Par exemple, des travaux de rénovation de chauffage auront beaucoup plus d’impact si l’on intègre les questions d’isolation extérieure ou intérieure, la couverture, la ventilation et les menuiseries du bâtiment.
Combiner ces gestes de rénovation fait partie des forces d’Acorus qui a construit son modèle autour de « mini entreprises » composées d’équipes de spécialistes de leur métiers.
Ces mini entreprises gravitent autour des projets et de nos clients pour offrir individuellement leur expertise et en équipe un service multi technique.
Alexis Peres: Éco-rénover c’est aussi intégrer l’impact environnemental des méthodes et des matériaux sélectionnés. A ce titre, la méthode « Lean » permet d’éviter les gaspillages et donc la quantité de carbone consommée par les travaux.
Éco-rénover, cela peut encore signifier de proposer d’utiliser des matériaux biosourcés, produits en France ou en Europe.
Pascal Delmotte: Cette approche d’éco-rénovation implique aussi d’aborder le suivi des consommations et de la performance énergétique des bâtiments rénovés après les travaux.
Ce suivi va par exemple pouvoir se faire avec des dispositifs de pilotage connectés, des systèmes d’individualisation des frais de chauffage ou des installations pour optimiser et réduire les consommations d’énergie.

Comment s’organise un projet d’écorénovation ?
Alexis Peres: Dans l’idée, un projet d’éco-rénovation va suivre les mêmes étapes qu’un projet de rénovation globale classique: diagnostic du bâtiment, conception du projet et réalisation des travaux.
Chaque bâtiment et chaque projet étant différent, nous ne pouvons pas agir de la même manière à chaque fois bien que le plus efficace pour limiter au maximum les émissions de carbone soit de concevoir le projet en éco-rénovation dès le départ.
En effet, lorsque nous sommes sollicités dès l’amont du projet, nous pouvons avoir une vraie cohérence entre l’audit énergétique et les propositions de travaux, les produits à utiliser et l’ordre dans lequel les réaliser.
Y a-t-il une différence entre éco-rénovation et rénovation énergétique, ou bien est-ce la même chose ?
Kévin Ohanian: Oui, il s’agit effectivement de 2 choses différentes.
D’abord derrière le terme « rénovation énergétique », il me semble important de distinguer la rénovation énergétique par geste et la rénovation énergétique globale.
Comme son nom l’indique, la rénovation par geste traitera les différents problèmes de manière individuelle : isolation des combles une année par exemple, changement d’une chaudière une autre année etc…sans approche globale.
La rénovation globale, quant à elle, va chercher à diminuer la consommation énergétique du bâtiment en organisant un bouquet de travaux.
L’écorénovation enfin va se préoccuper davantage du respect de l’environnement en plus de la diminution de la consommation à proprement parler.
En fait, la rénovation globale, c’est le but. L’écorénovation cherche à concilier de manière harmonieuse le moyen et le but.
Dans l’écorénovation, il y a les mêmes objectifs de réduction des consommations, avec l’utilisation des matériaux bas carbone, en évitant les gâchis sur les matériaux.
Par exemple, au moment de la réponse à un appel d’offre, en général, l’architecte consulte plusieurs entreprises qui viennent sur place pour faire des relevés, estimer les montants de travaux, les quantités notamment d’isolant à poser. Pour être “large”, la plupart des entreprises de travaux surestime un peu ces quantités en chiffrant 200m² pour une ITE sur un pignon, là où nous allons chercher à viser les bonnes quantités pour ne pas “surconsommer” des matériaux. Notre chiffrage peut ainsi avoir plusieurs dizaines de m² d’isolant différent.

Alexis Peres: Dès que vous achetez des matériaux, il y a déjà une empreinte carbone. En acheter plus, cela signifie forcément plus d’empreinte.
Faire du gaspillage, cela augmente l’empreinte carbone. De manière générale, c’est plutôt une restriction lourde des moyens mis en œuvre pour le chantier qu’Acorus essaie de bien cadrer, comme le fait de mesurer précisément les besoins. L’écorénovation, c’est réduire l’empreinte carbone du bâtiment mais aussi l’empreinte carbone du chantier.
En ayant une approche des travaux qui se veut lean on tend à maximiser la valeur pour le client et à réduire les gaspillages. Notre conception du lean est tournée vers la responsabilité et l’autonomie de nos collaborateurs.
Par exemple, un collaborateur qui a besoin de consommables supplémentaires ne devrait pas avoir à le faire valider par sa hiérarchie et par le service achats, puis à attendre que son chef de chantier les lui apporte ! Le temps qui s’écoule durant toutes ces étapes est une perte de temps et rallonge la durée du chantier.
C’est un gaspillage… de temps. Si l’on poursuit le raisonnement, l’échafaudage et la base vie d’un chantier de ravalement restent mobilisés plus longtemps. Il faut donc en acheter d’autres pour pouvoir réaliser les chantiers suivants. Et ainsi de suite.
La coopération entre entreprises sur un projet de rénovation énergétique
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en tant que professionnels du bâtiment pour mettre en place un projet d’écorénovation ?
Kévin Ohanian: Il est plus facile d’avoir cette approche globale lorsque nous sommes positionnés de manière globale.
En effet, les projets de rénovation des bâtiments étant allotis, nous n’allons pas toujours être choisis pour mener de front toutes les étapes du projet. Cela constitue un frein en terme d’efficacité, d’autant que nous allons parfois être choisis avec des entreprises qui n’ont pas l’habitude de cette approche.
Alexis Peres: Pour pallier cette situation, notre stratégie interne consiste à s’appuyer sur des « mini entreprises » afin d’avoir des vrais professionnels de leur métier en mesure de travailler ensemble pour un projet de rénovation globale.
Si nous sommes 3 aujourd’hui dans cette minute coPro, c’est parce que nous aimons collaborer ensemble pour réussir ensemble, cela fait partie des valeurs d’Acorus.
Nous pensons aussi que c’est cette mentalité qui permettra aux professionnels du bâtiment de monter en compétences et de réussir le défi de la rénovation énergétique.
Comment faites vous pour concilier votre travail avec les autres entreprises choisies ?

Kévin Ohanian: Que ce soit un projet mené entièrement par Acorus ou avec d’autres entreprises, le projet reste le même: c’est un projet de rénovation globale à concevoir ensemble.
Alexis Peres: Il y a un grand travail de coordination dans tous les cas pour pouvoir anticiper toutes les phases du projet. Nous rentrons en contact avec la copropriété, le syndic, l’architecte, les autres installateurs, et on s’adapte.
Matériaux biosourcés et efficacité des travaux
Dans “éco-rénovation”, on entend le mot écologie (ou économique d’ailleurs!). On a parlé d’intervention globale pour rénover efficacement. Est-ce que l’éco-rénovation inclut aussi le recours à des matériaux à faible impact environnemental comme les matériaux biosourcés ?
Alexis Peres: L’écorénovation peut en effet inclure le recours à ce type de matériaux mais pas nécessairement. Ce choix va dépendre des besoins des clients et de l’architecte ayant été sélectionné sur le projet.
La réalité du terrain, c’est que tous les architectes n’ont pas encore l’habitude d’utiliser ces matériaux qui demandent des compétences particulières. Résultat aujourd’hui, la plupart du temps, les projets de rénovation énergétique vont utiliser des matériaux classiques.
Nous proposons des matériaux bas carbone dans des variantes, qui coûtent parfois plus cher et qui ne sont pas encore souvent choisies par les copropriétaires.
Nous menons aussi un vaste projet autour des matériaux de réemploi, pour récupérer des matériaux déposés sur certains chantiers et les reposer sur le chantier à réaliser.
Ce réemploi a beaucoup de potentiel et il s’inscrit bien dans l’approche d’éco-rénovation car il utilise des matériaux qui n’ont pas besoin d’être à nouveau produits.
Cette approche touche encore assez peu à la rénovation énergétique du bâtiment. Aujourd’hui elle s’applique plutôt dans la rénovation intérieure et sur la construction neuve.

En copropriété, ce choix des matériaux se fait souvent lors de la phase de conception par le Maître d’Oeuvre. Il travaille sur le bouquet de travaux, les matériaux, en discute avec l’AMO et les copropriétaires. Pour enfin envoyer le Dossier de Consultation des Entreprises aux entreprises comme Acorus.
Cela signifie qu’au moment où vous recevez le DCE, les choix entre éco-rénovation et matériaux biosourcés sont déjà faits. Comment adaptez vous votre positionnement et cette valeur ajoutée au monde de la copropriété ?
Alexis Peres: Effectivement, souvent nous arrivons trop tard pour proposer ces matériaux biosourcés. Parfois aussi, les copropriétaires ne comprennent pas pourquoi nous chiffrons moins de quantitatifs que certains de nos concurrents.
Du coup, il est nécessaire pour nous de prendre le temps d’expliquer, de rassurer etc… Cela implique un effort commercial de notre côté qui a l’avantage pour nous de créer une relation particulière avec les copropriétaires.
Lorsque l’on reçoit le Dossier de Consultation des Entreprises sans être intervenu en amont du projet, nous pouvons ajouter des variantes, ou des options à l’offre qui est rendue. Mais nous nous devons de rester précautionneux.
Les matériaux nouveaux ou biosourcés ayant des caractéristiques différentes, il faut pouvoir assurer la faisabilité de la solution proposée. Ce n’est malheureusement pas souvent possible compte tenu des délais pour proposer l’offre.
Nous pouvons aussi proposer ces variantes lors de la préparation des travaux. Mais dans ce cas aussi, le frein est bien souvent le temps !
Ce à quoi il faut ajouter que pour valider certaines solutions, il faut repasser par la case assemblée générale dans les copropriétés.
Je rebondis sur le sujet des matériaux biosourcés car on en entend beaucoup parlé. Pouvez-vous nous donner des exemples ? Est-ce que ces matériaux présentent la même pérennité que les autres ?
Kévin Ohanian: En ce qui concerne les matériaux d’isolation, il existe plusieurs solutions comme la laine de verre, la laine de roche, le mélange chaux-chanvre ou encore la fibre de bois (pour lequel nous notons d’ailleurs un certain engouement très récent).
Toutefois, certains de ces matériaux ne respectent pas les normes d’isolation thermique et les résistances minimum à respecter pour ouvrir aux financements.
Par exemple, le mélange chaux-chanvre peut ne pas répondre aux coefficients d’isolation requis. Dans ce cas, nous ne l’incluons pas dans nos options.
Pascal Delmotte: Chaque matériau a ses caractéristiques, ses avantages et ses inconvénients. Pour chaque matériau, nous devons utiliser des méthodes de pose différentes.
C’est cette manière de travailler, en fonction du bâtiment, des matériaux des contrôles… qui assure la durabilité de la rénovation énergétique.

Du côté du copropriétaire
La rénovation globale est aujourd'hui de plus en plus incitée financièrement. Est ce que c’est davantage le cas pour l’Eco-rénovation ?
Kévin Ohanian: Effectivement, depuis 2020, l’Etat incite les bouquets de travaux avec les fameux 35% de gain énergétique à atteindre pour qu’une copropriété soit éligible à certaines aides.
Ce seuil des 35%, vous le savez, va débloquer Maprimerénov’ Copropriété, les CEE et la possibilité de débloquer les prêts collectifs.
La logique de ces aides, c’est que plus le projet est ambitieux, plus il y a d’aides.
Sur les montants de travaux, honnêtement c’est très variable; cela dépend des choix des copropriétaires, du bâtiment, des isolants dont on vient de parler.

Le commentaire d'Amoa
Les programmes locaux de la métropole de Bordeaux, de Lyon ou Eco-rénovons Paris + par exemple prévoient des primes supplémentaires en cas de recours aux matériaux biosourcés. Nous avons rédigés plusieurs articles là-dessus/
Alexis Peres: Sur le coût, nous ne sommes pas moins chers que les autres entreprises.
Notre valeur ajoutée chez Acorus, nous la menons sur l’accompagnement du client tout au long du projet.
Cela nous permet d’assurer un travail d’une plus grande qualité, notamment parce que nous maîtrisons tous les métiers en interne.
Sur le financement, même si les travaux d’écorénovation sont par définition rentables à plus ou moins court terme, il y a toujours un reste à charge qui est encore un véritable frein à la bonne mise en place de la démarche. Mais j’ai cru comprendre qu’AMOA maîtrisait bien mieux que nous cet aspect de la rénovation énergétique ! 😉
Notre objectif c’est vraiment de pouvoir agir de manière globale, avec des pratiques innovantes comme l’Ecorénovation dont nous venons de parler.
Notre mission c’est d’améliorer la vie des occupants. Notamment, parce que souvent les travaux en copropriété vont impliquer des travaux privatifs, qui vont changer leur quotidien.

Justement concernant l’intervention dans la vie des occupants, donc en milieu occupé, quelles sont les difficultés que vous allez rencontrer ?
Pascal Delmotte: La rénovation induit naturellement de travailler en milieu occupé. Faisant exclusivement de la rénovation, nous sommes habitués et même spécialisés sur cette composante des travaux.
Cela implique d’anticiper, tout le temps, et de communiquer, beaucoup !
Notre objectif d’améliorer la vie des occupants, c’est aussi et surtout avant et pendant les travaux ! Trop souvent, l’information concernant les travaux consiste à afficher un planning dans les parties communes.
Lorsque l’on fait de la rénovation et plus encore lorsqu’il s’agit de travaux en partie privatives, on rentre dans la vie des occupants. Expliquer ce que nous allons faire et comment nous allons le faire fait partie intégrante de notre métier.
Aimé de La Villejégu: Merci messieurs pour cet échange, pour ma part j’ai appris beaucoup de choses.
Je m’adresse maintenant aux éventuels lecteurs professionnel: si vous souhaitez prendre la parole pour un projet spécifique lors d’une prochaine minute (co)Pro contactez nous directement à l’adresse : aime@amoa.me !
Merci et à bientôt !

Aimé de La Villejégu
25 octobre 2023